Je suis un cormoran plutôt classique. La majorité d’entre vous me confondent avec un canard. Vous n’y connaissez généralement pas grand chose à nous autres qui vivons entre ciel et eau. Je ne comprends pas le but de votre existence à vrai dire. Vous vous agitez sans cesse, vous avez l’air chaque jour d’une humeur différente. Bien sûr vous êtes surtout les plus sales. Je vous vois jeter des bouteilles ou des canettes. Des petits mégots qui empoisonnent le bec. Dans les eaux du canal, vos déchets s’accumulent jusqu’au lac où j’aime pourtant nicher.

Qui aurait cru que cette année se déroulerait ainsi ? Qu'elle verrait mon monde s'écrouler, deux fois ? Pourtant, elle avait commencé comme toutes les autres après un noël classique et sa sempiternelle engueulade familiale pour une raison stupide. Le rôti trop chaud, la bûche trop glacée, une phrase mal prise. Je ne me souviens même plus.

Cet hiver, la neige a perdu de sa splendeur, Sur le pas de ma porte elle est devenue d’une bien triste couleur. Je me souviens pourtant de ces promenades à trois, de ces rires aux éclats à sentir cette neige crisser sous nos pas, de ces batailles que je te laissais gagner à chaque fois. De ces anges qu’on dessinait en battant des bras, de ces flocons après lesquels tu courais, toute fière de toi, de ces armures de tissus contre l’hiver, écharpes, bonnets et parkas. De ton cartable marquant le trottoir blanc de deux traits rarement droits. De ta maman contre moi, heureuse rien qu’à te voir être toi.

La nuit était fraîche, mais heureusement, les rafales de vent omniprésentes des montagnes s'étaient endormies. Seule une légère brise venait de temps en temps faire s’entrechoquer les guirlandes de lanternes dont été paré le petit hameau d’Orpik-les-brumes.

Une autre journée hivernale où tu te réveilles avec le ventre qui gargouille. Tu as tellement faim, tu mangerais un cerf au complet, même ses bois! Tu te lèves de ton lit, un peu tremblotant, puis, tu vois Maman, assise devant le foyer au centre de la maison, le regard vide et fixant le plancher qui se trouve juste en face de toi. Elle marmonne une chanson, la mélodie sonnant un peu triste à tes oreilles. Tu aimerais tant qu'elle puisse plutôt fredonner un air plus enjoué au rythme du teueikan, cela pourrait t'empêcher de penser aux plaintes qui hantent ton estomac. Tu ne l'interromps pas, tu sens qu'elle aimerait mieux être dans ses douces pensées que de ruminer les plus indésirables.

Il me caressait les cheveux. Je me plaisais à rester de longues heures durant, au creux de ses bras. C’était ainsi que je me sentais vivante. Complète. Je sentais Achille contre moi ; sa chaleur se diffusait sur ma peau, comme les rayons du soleil la léchaient un peu plus tôt. Ses doigts se perdaient dans mon épaisse chevelure marron et frôlaient ma joue de temps à autre. Nous étions deux. Et nous ne formions plus qu’un. Une aberration, selon certains.

Presque deux semaines en mer, le Conquérant Atlante mouille maintenant le coeur de l’Atlantique, son terrain de jeu favori. La vie sur cet immense chalutier est calme. Un rythme posé, agréable pour le jeune Carl qui termine sa cigarette tranquillement sur le plât-bord du géant des mers. Il jette sa cendre qui s’envole dans le courant du vent marin et compte les vagues qui viennent percuter le métal sale qui le maintient hors de l’eau, à l’abri des ténèbres.

La fraîcheur du bureau soulagea instantanément Vilhelm lorsqu’il passa la porte. Il déposa sa veste et son chapeau de soleil qu’il avait retiré dans l’ascenseur sur le porte-manteau puis entra dans l’open-space plein d’ordinateurs en surchauffe. Le mur opposé à la porte était couvert d’écrans qui diffusaient les images de caméras satellites. — Vil ! Regarde ça ! T’as raté quelque chose de pas mal hier ! Vilhelm s’approcha de son collègue qui fit pivoter un écran d’ordinateur vers lui, affichant un tas de tableaux remplis de chiffres. Pour un étranger, ce tableau n’était qu’un amas de nombres sans aucun sens. Mais pour Vilhelm, c’était toute sa vie.

En ouvrant le coffre à jouets de sa fille de six ans, Georges tomba sur une chose qu’il n’aurait peut-être jamais dû voir. Un flot de perles d’eau déferlaient sur ses joues et tachaient le sourire colorié du gros bonhomme qui le représentait. Des cœurs s’envolaient et un tourne-disque jouait des notes, tandis qu’une princesse blonde glissait sur de la glace. Ses larmes se transformèrent en un radieux rictus, à l’image de l’image sous ses yeux. Ce dessin lui offrit une part d’insouciance et d’innocence qui ne le quitta plus.

Le vent a soufflé si fort qu’il a vu des hommes être emportés en hurlant « il nous arrachera tous à la terre, il nous tuera ! » … Attendez Caporal Zeland. Vous êtes sérieux ? C’est réellement ça le dernier rapport qu’on nous envoie sur la situation de Temento ? – Le dernier et les uniques renseignements que nous possédons sur les lieux. Ils ont été rapporté par le lieutenant Radiance. Le soldat Drazer laisse tomber son dos contre la coque métallique de l’hélicoptère. – Putain… Mais t’y crois toi Geosky ?