Avant de commencer, j’aimerais préciser une chose qui ne va pas forcément de soi quand on écrit un texte de fiction : les dialogues, ça n’est pas obligatoire. Rien ne vous empêche d’écrire l’intégralité de ce que disent les personnages au discours indirect, par exemple.
Le dialogue est donc une mise en forme particulière du discours, mais ce n’est pas la seule dont vous disposez.
Intégrer un dialogue est un choix qui doit avoir un but précis.
sommaire
- Les dialogues : pour quoi faire ?
Généralement, un dialogue va avoir deux buts :
Démontrer la relation entre les personnages : la façon dont les personnages interagissent, ce qu’ils se disent, et comment ils le disent est une façon implicite de montrer au lecteur leur relation. On ne parle pas à quelqu’un dont on est proche de la même manière qu’à un parfait inconnu. La première question à se poser est donc : « Quelle relation doit transparaître dans cet échange ? ». Cela passe par le vocabulaire, évidemment, mais aussi par l’enchaînement des répliques. Les personnages se coupent-ils la parole ? Ou au contraire, attendent-ils patiemment que l’autre ait terminé de parler ? Les temps de paroles sont-ils équilibrés ou, au contraire, l’un monologue tandis que l’autre a du mal à caser trois mots ?
Apporter une information nouvelle : si les personnages se parlent, c’est en principe pour se dire quelque chose. Le dialogue est alors un bon moyen d’apprendre une information en même temps au personnage et au lecteur. Cette information n’a pas besoin d’être explicite, elle peut-être sous-entendue, mais elle doit être nouvelle : mieux vaut éviter au maximum la redondance.
Garder ces deux notions en tête permet d’obtenir des dialogues impactants et pertinents. Si le dialogue est trop neutre et/ou ne dénote pas suffisamment (ou incorrectement) la relation entre les personnages, il faudra les reformuler, afin de rendre plus compréhensible leurs rapports sociaux. De même, si un personnage doit expliquer de nouveau quelque chose qu’il a déjà expliqué avant (à un autre personnage, par exemple), le discours indirect sera plus indiqué que le dialogue.
- Articuler dialogue et narration
À moins d’écrire un récit tout en dialogue (ce qui peut être un choix narratif qui se défend), il vous faudra alterner entre les phases de narration et celles de dialogues. Il n’existe pas une « bonne » et une « mauvaise » façon de le faire, mais certains choix narratifs créent certains effets dont il faut être conscient.
Les incises
Un dialogue va généralement contenir deux éléments : le discours en lui-même, donc ce que dit le personnage, et une incise, c’est-à-dire un élément narratif qui vient préciser qui parle, de quelle façon, en faisant quelle action, etc. La forme la plus brute de l’incise est constituée d’un verbe dit introducteur et d’un nom ou d’un pronom désignant le locuteur : « C’est pas terrible, dit Untel. ».
On peut y ajouter des précisions sur le ton employé, en modifiant le verbe introducteur, par exemple. Il en existe de nombreuses listes très complètes sur Internet. On peut aussi donner des précisions sur ce que fait le personnage pendant qu’il parle. On utilisera alors le participe présent ou le gérondif : « C’est pas terrible, dit Untel, (en) se grattant l’oreille. »
L’incise est facultative et il est bon de ne pas en abuser. Elle est utile quand il existe une ambiguïté sur le personnage qui prononce la phrase ou sur la façon dont il parle, ou encore pour ajouter une précision qui ne va pas de soi avec le seul discours. L’employer trop souvent ou à mauvais escient peut rendre le dialogue désagréable à lire, car on court le risque de rendre le dialogue moins fluide et de créer de la redondance.
Dialogue sans incises
— Bonjour.
— Bonjour.
— Comment ça va ?
— Pas mal. Et toi ?
— Comme un lundi.
— Toujours aussi drôle, à ce que je vois…
Dialogue avec quelques incises
— Bonjour, salua Truc en agitant la main.
— Bonjour, répondit Machin.
— Comment ça va ?
— Pas mal. Et toi ?
— Comme un lundi.
— Toujours aussi drôle, à ce que je vois… intervint Bidule, qui arrivait à ce moment-là.
Dialogue avec trop d’incises
— Bonjour, salua Truc en agitant la main.
— Bonjour, répondit Machin.
— Comment ça va ? demanda Truc.
— Pas mal. Et toi ? rétorqua Machin.
— Comme un lundi, plaisanta Truc.
— Toujours aussi drôle, à ce que je vois… intervint Bidule, qui arrivait à ce moment-là.
Le premier exemple pose problème, car sans incise, impossible de savoir que c’est un troisième personnage qui prononce la dernière réplique. Le troisième, lui, pose problème parce qu’il encombre le dialogue d’information inutiles pour le lecteur et nuit à la fluidité de l’échange. Ajouter des incises est donc toujours un travail d’équilibriste. Il ne faut ni en faire trop, ni pas assez.
À noter qu’une incise commence toujours par une minuscule, même après un signe de ponctuation qui appelle normalement la majuscule, comme « ? » ou « ! ».
L’enchainement des dialogues
On peut aussi jouer avec l’enchaînement, en choisissant d’intercaler ou non de la narration entre les répliques. Cela permet notamment de ne pas encombrer les incises, qui doivent rester plutôt courtes en principe, et de s’accorder plus de place pour dispenser telle ou telle information au lecteur. C’est notamment le moment idéal pour insérer un peu d’introspection, qui donnera de la profondeur à l’interaction.
— Bonjour.
— Bonjour.
— Comment ça va ?
— Pas mal. Et toi ?
— Comme un lundi.
— Toujours aussi drôle, à ce que je vois…
En arrivant au bureau, Truc salua Machin d’un geste de la main :
— Bonjour.
— Bonjour.
Machin, de bonne humeur, ne semblait pas lui tenir rigueur de ce qui s’était passé au bar le vendredi précédent. Truc décida donc lui aussi de faire comme si de rien était.
— Comment ça va ?
— Pas mal. Et toi ?
— Comme un lundi.
Bidule choisit ce moment pour apparaître derrière Truc, un café à la main :
— Toujours aussi drôle, à ce que je vois…
Intercaler de la narration entre les répliques permet aussi de ralentir le rythme de la discussion. Chaque passage narratif apparaîtra au lecteur comme une petite pause dans le dialogue. C’est donc un outil intéressant si vous souhaitez créer l’illusion de silences entre les répliques. À l’inverse, pour un échange plus rapide et nerveux, un enchainement ininterrompu de répliques est plus indiqué.
Utiliser tour à tour les incises et la narration permet de créer un dialogue dynamique et facile à suivre pour le lecteur.
- Créer des dialogues impactants, qui sonnent naturels
Le but de tous les auteurs est de créer un texte qui produira un effet sur les lecteurs. Créer un dialogue qui a de l’impact est d’autant plus important que l’un des seuls accès du lecteur à la pensée des personnages.
Donner une voix aux personnages
La façon dont parle un personnage doit refléter entre autres son caractère et son milieu social. Mais de manière plus générale, la voix des personnages doit se distinguer de la voix du narrateur, surtout dans une narration externe. Cela créera une disctinction nette entre le discours de la narration et celui des personnages, et va attirer l’attention sur la subjectivité de ce qui est dit.
Privilégier la parcimonie
Pour qu’un élément soit impactant, il doit se faire plus rare. Un élément présent tout au long du récit va habituer le lecteur et le rendre moins impactant. C’est pour cette raison qu’il est important de limiter au maximum les dialogues inutiles, qui n’apportent pas beaucoup d’informations, qui se répètent, etc.
Restreindre les dialogues aux moments où ils sont nécessaires permet de signifier au lecteur : « Sois attentif, il se passe quelque chose d’important entre les personnages ici ».
Le pouvoir des sous-entendus et des non-dits
Lorsqu’on écrit un dialogue, il faut garder à l’esprit que ce qui n’est pas dit ou ce qui est dit en sous- texte, est aussi important que ce qui est prononcé à haute voix. C’est notamment vrai pour les dialogues où il est question d’émotion, de sentiments. C’est d’abord une question de vraisemblance : rares sont les cultures où les gens se sentent à l’aise d’évoquer leurs sentiments sans filtre. Sur-expliciter les sentiments fait courir le risque d’obtenir des personnages qui sonnent comme des robots, qui n’ont justement pas ce filtre culturel et explicitent absolument tout.
Par exemple :
« Je t’aime.
— Je sais. »
a plus d’impact que :
« Je t’aime.
— Je suis déjà au courant, mais puisque tes sentiments ne sont pas partagés, je ne voulais pas aborder le sujet, afin de ne pas créer de malaise entre nous. »
C’est aussi une question de parcimonie. Si les personnages n’utilisent jamais ou presque le non-dit, alors le moment où ils décident de véritablement se livrer et donc de se montrer vulnérables risque de tomber un peu à plat, puisqu’ils se livrent déjà à 100 % depuis le début.
De plus, choisir de laisser sous silence telle ou telle information sur le personnage qui parle. Cela montre quelles sont ses limites et ses tabous.
Un bon dialogue se doit aussi d’être vraisemblable. Il n’a par contre pas forcément à être réaliste. Dans la vraie vie, quand on se parle, on va hésiter, commencer des phrases sans les finir, s’interrompre, se répéter, etc. Tout cela n’est pas très agréable à lire. L’astuce est donc de créer l’illusion de dialogues réalistes, tout en conservant le côté esthétique de la prose.
- Quelques écueils à éviter
On peut écrire un bon dialogue de plein de façons différentes, il n’existe pas de formule magique pour en créer à tous les coups. Cependant, il existe des écueils à éviter qui garantiront au moins que le dialogue ne sera pas trop mauvais.
Utiliser des verbes introducteurs trop intenses, trop souvent
On peut être facilement tenté de n’utiliser en tant que verbes introducteurs que des termes très intenses. Eh oui, on veut produire un effet sur le lecteur donc plus le vocabulaire utilisé est intense, plus on a de chances de produire un effet. Alors, oui… mais non. Utiliser un vocabulaire précis est toujours un plus, mais pas besoin que vos personnages s’égosillent, hurlent, s’éclaffent, marmonnent, grondent, déclament, exigent, implorent, exhortent ou bégayent à chaque réplique. Ils ont le droit de simplement demander, répondre, ou même dire. C’est d’autant plus le cas quand le personnage passe de l’un de ces états très intenses à l’autre très rapidement. Cela donnera très vite au lecteur l’impression que le personnage a des problèmes de gestion de l’humeur.
Les personnages qui s’entre-expliquent des choses qu’ils savent déjà
C’est un écueil qu’on trouve d’abord beaucoup au cinéma. Puisque, dans ce médium, on ne peut expliciter un élément pour le spectateur qu’en faisant en sorte qu’un personnage en parle, beaucoup de scénaristes maladroits font en sorte que deux personnages s’expliquent des choses qu’ils savent déjà tous les deux (le fameux « Comme tu le sais sûrement déjà… »), faute d’une meilleure idée de mise en scène.
Le roman n’a absolument pas ce problème, puisqu’il dispose de quelque chose dont ne dispose pas le cinéma : la narration.
Aucune excuse en roman pour avoir des personnages qui s’expliquent des choses qu’ils savent déjà. S’il faut expliquer quelque chose au lecteur, passez par la narration.
Indiquer en narration ce que le lecteur doit penser du dialogue
C’est un conseil valable pour l’intégralité du récit, mais particulièrement pour les dialogues. Parfois, en voulant appuyer sur l’impact qu’on veut donner au dialogue, on finit par littéralement dire au lecteur ce qu’il est censé ressentir. On ajoute des « Après ce discours poignant » et autres « Ils rirent à sa blague hilarante » dans la narration qui suit le dialogue, en se disant que cela va intensifier l’effet recherché. Parfois, c’est aussi un manque de confiance en soi : ne sachant pas si on a réussi à écrire un discours assez poignant ou une blague assez drôle, on en rajoute en narration pour compenser cette lacune.
C’est une fausse bonne idée. Les lecteurs sont des créatures contrariantes qui, si on leur dit quoi penser ou ressentir, vont choisir de faire l’inverse. Devant l’indication que la réplique qu’il vient de lire est ceci ou cela, le lecteur risque de revenir à la réplique avec un œil bien plus critique, se dire qu’au final, ce que vient de dire votre personnage n’était pas si impactant que la narration essaie de le faire croire, et l’effet escompté tombera à plat.
Faites vous confiance et laissez les gens se faire leur propre opinion de vos dialogues.
- Conclusions
L’écriture des dialogues est un moment important de la rédaction d’un roman. Ils permettent de donner un aperçu des pensées des personnages, de leur personnalité, de leurs relations, etc.
Ils sont aussi difficiles à manier. Trop « écrits » et ils sonneront faux, pas assez et ils seront laborieux à lire.
Le meilleur moyen d’apprendre à les construire reste encore d’essayer différentes techniques, pour comprendre quels effets elles produisent, et d’analyser au fil de vos lectures les façons de faire de vos auteurs favoris.
Vous voulez réagir ? Contribuer à l'article ?
Vous pouvez en rejoignant le forum. Les articles sont écrits de manière collaborative et s'appuient majoritairement sur les témoignages des auteurs de la communauté. Un espace est réservé pour échanger autour des sujets ou étoffer les articles de la rédaction !
dernières ressources
de la rédaction
- All Projects
- Articles de la Rédaction

Les dialogues sont une part importante d’un récit, ce sont eux qui donnent vie à...

Écrire une scène médicale crédible exige rigueur, justesse et maîtrise des détails. Cet article vous...


Le crowdfunding : Une solution moderne et collaborative pour financer son livre, contourner les maisons...

Vous souhaitez être édité en maison d’édition ? Bien ! Sachez que vous passerez forcément par la...

Aujourd'hui, au menu, 3 conseils pour écrire une scène de combat. Je ne vais pas...
Toutes les ressources
Retrouvez ici des articles écrits par les soins de notre rédaction : personnages, worldbuilding, édition, planification...