Tous les blogs et autres livres de conseils sont d’accord : le cliché, c’est mal, il faut l’éviter à tout prix. Mais est-ce toujours aussi tranché ?
sommaire
- Avant tout, qu'est-ce qu'un cliché ?
Selon TV Tropes, un cliché est un élément narratif récurrent (ou trope) qui est si commun que les lecteurs en sont venus à l’anticiper dans une oeuvre. Il a petit à petit pris une connotation négative mais en lui-même, le cliché n’est pas un défaut d’écriture, si tant est qu’il soit bien utilisé. Comme n’importe quel trope, le cliché est un outil.
Alors, pourquoi n’aime-t-on pas les clichés ? Pourquoi la plupart des livres ou sites de conseils d’écriture recommandent-ils de les fuir comme la peste ? Tout simplement parce que ces conseils sont pour la plupart destinés aux débutants. Et de fait, les débutants peuvent avoir tendance à se reposer sur les clichés comme sur des béquilles, donc il est important pour eux d’apprendre d’abord à s’en détacher un peu. Bien utilisé, le cliché passe tout seul, il se remarque même à peine. On ne remet pas en question l’utilisation d’un outil quand il est bien manié.
Quand le cliché est mal manié, c’est-à-dire quand il est utilisé par fainéantise ou par manque d’inventivité, il devient très désagréable, car le lecteur le sent et a tout de suite l’impression de se retrouver dans un univers à l’emporte-pièce. Ainsi, se retrouver devant un énième roman de fantasy qui se déroule dans un univers pseudo-médiéval avec des elfes délicats et des nains bourrus qui se font la tête, le tout saupoudré d’une ambiance de campagne Donjons & Dragons, ou face à un xième roman policier présentant un flic hard boiled qui ne respecte le règlement que durant les mois comportant deux pleines lunes, peut vite conduire à une certaine lassitude.
En bref, ce qu’il faut retenir, c’est que le cliché est comme un couteau : on peut s’en servir d’un tas de façons différentes, mais si on s’en sert n’importe comment, on risque de se blesser.
- Comment reconnaître un cliché
Reconnaître le cycle du cliché
Il existe ce que j’appelle « Le Cycle du Cliché » :
Ce cycle est par exemple très visible dans la figure du « vampire très beau garçon et torturé par sa nature d’immortel ». Dans les années 70, Anne Rice s’empare de la figure vampirique séduisante mais prédatrice formalisée par Bram Stoker et se l’approprie pour créer Lestat, bellâtre torturé par sa condition monstrueuse. La formule prend immédiatement et le poncif est réutilisé encore et encore jusqu’à ce que, dans l’imaginaire collectif, « vampire » rime avec « beau gosse dépressif à froufrous ». Cette mode se poursuit et culmine avec l’arrivée de Twilight, qui reprend à sa façon tous ces éléments : les vampires sont riches, beaux et souffrent de leur obligation de boire du sang, à laquelle ils cherchent à se soustraire, à la recherche d’une humanité. Depuis, difficile de trouver de la littérature vampirique qui ne se sert pas de cet archétype de personnage. L’élément d’abord original est devenu un lieu commun, un passage quasi obligatoire. En bref, c’est un cliché.
Se fier à son propre avis de lecteur (et à celui des autres)
Il n’existe pas de liste de clichés fiable et objective, parce que le cliché dépend énormément de facteurs spatio-temporels. Quelque chose qui est considéré comme cliché en France au XXIème siècle ne l’était probablement pas dans la Russie du XIXème. Le cliché naît d’une accumulation rapide et localisée d’œuvres reprenant les mêmes thèmes ou les mêmes schémas.
Il est donc très important de se fier à son propre avis. En lisant beaucoup, il devient plus facile de repérer des éléments récurrents. De même, il est toujours intéressant de discuter avec d’autres lecteurs. Quels sont les éléments narratifs qui reviennent le plus souvent dans leurs griefs ? Et surtout, la question la plus importante, pourquoi cela les agace-t-il tant ?
Les parodies
Le genre de la parodie repose sur le fait d’exagérer des traits communs à un genre, de les détourner pour en montrer l’absurdité et créer de l’humour. C’est donc un excellent moyen de se rendre compte des lieux communs utilisés par les romanciers « premier degré ».
TV tropes
TV tropes est un site internet regroupant un très, très grand nombre d’éléments récurrents dans les œuvres de fiction, qu’il s’agisse de romans ou d’audiovisuel. Il est très utile pour apprendre à reconnaître ces éléments récurrents (ou tropes), mais aussi pour découvrir les nombreuses manières de les mettre en place, voire de jouer avec pour apporter un peu de fraîcheur à un élément désuet ou déjà trop vu.
- Comment bien manier le cliché ?
On ne peut éviter tous les clichés. D’ailleurs, on ne le veut probablement pas non plus. L’important est de savoir bien s’en servir afin de maximiser leur intérêt.
Ne pas poser un élément « juste parce que »
Le pire écueil dans lequel tomber, c’est d’utiliser le cliché « juste parce que tout le monde fait comme ça ». Il existe tout un monde entre l’auteur de fantasy qui place son roman dans un univers pseudo-médiéval (c’est donc de la medieval fantasy, ou medfan) européen parce qu’il veut jouer sur l’imaginaire déjà acquis des lecteurs sur cette période, profiter du système féodal pour développer les thèmes de son intrigue ou même simplement par passion pour cette période et celui qui développe un univers du même type juste parce que « la fantasy, c’est le medfan, tout le monde fait du medfan, donc c’est obligé de faire comme ça, je me pose même pas la question ». Chaque élément que vous choisissez doit être interrogé. Parfois, la façon de faire la plus clichée collera à vos intentions, parfois, il sera plus pertinent de s’en défaire. L’important étant de toujours se poser la question là-dessus.
Connaître la ou les raisons d'être du cliché
Comme l’a dit Terry Pratchett : « Les clichés sont devenus des clichés parce qu’ils sont les marteaux et les tournevis dans la boîte à outils de la communication ». Or, pour tirer le maximum de bénéfice d’un tournevis ou d’un marteau, il faut d’abord savoir à quoi il sert.
Vous avez envie d’insérer un triangle amoureux dans votre roman. Fort bien, mais quelle est l’utilité d’un triangle amoureux ? Ajouter de la tension et du suspense dans une intrigue romantique, générer un conflit entre les personnages présents dans ce triangle qui se répercutera sur l’intrigue principale, faire rêver la lectrice en accolant à la protagoniste à laquelle elle s’identifie deux beaux garçons prêts à tout pour gagner son cœur ? Cela peut être une, deux ou toutes ces raisons à la fois.
En comprenant une multitude de raisons à l’existence d’un cliché, il devient tout de suite plus facile de l’appréhender et surtout…
Se l'approprier
Comme expliqué plus haut dans l’article, une des principales sources de mécontentement face aux clichés est l’impression de redondance. A force de voir la même chose, traitée sous le même angle, sans aucun renouveau les lecteurs finissent par se lasser.
Le secret, c’est donc de prendre le cliché, et d’y insérer assez de soi pour en tirer le double bénéfice : d’un côté, la familiarité d’un élément déjà connu et apprécié, qui a fait ses preuves, de l’autre, la fraîcheur de la nouveauté. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais lorsque c’est bien fait, ça change du tout au tout.
- Pour finir : le piège de l'originalité à tout prix
Un écueil dans lequel il est facile de tomber, quand on veut éviter d’employer un cliché délétère, c’est de partir dans l’extrême inverse. La mode est à ça ? Je vais faire exactement tout l’inverse. On aime les vampires super bg sous Xanax parce qu’ils détestent leur monstruosité ? Je vais faire des vampires moches comme des poux, qui adorent leur condition d’abomination buveuse de sang humain ? Est-ce que c’est pertinent dans mon intrigue et dans les thèmes que je veux développer ? Absolument pas, mais on s’en fiche, c’est o-ri-gi-nal.
Cette façon de voir est souvent plus délétère qu’autre chose.
En règle générale, mieux vaut éviter d’utiliser un élément juste parce qu’il est original, de la même façon qu’il ne faut pas inclure un élément sous le seul prétexte que tout le monde le fait.
Comme l’utilisation du cliché, l’utilisation d’un élément qui sort de l’ordinaire doit être mûrement réfléchie afin d’être efficace.
A retenir !
Un cliché est un élément tellement récurrent dans un type donné d’intrigue qu’il peut finir par lasser ou agacer les lecteurs
Pour autant, il existe des manières de l’utiliser de façon pertinente
L’essentiel est de toujours s’interroger sur ses choix narratifs et de comprendre leur utilité
Chercher à faire original à tout prix n’est souvent pas mieux que d’utiliser un cliché sans réfléchir
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